L’homme de ma vie est-il à 300 m ?

Cher ami lecteur, te souviens-tu de mon premier téléphone portable, le Nokia 5110 Ola quand Orange s’appelait encore Itinéris ? Il ressemblait à une grosse télécommande en couleur et pesait presque le double de mon iPhone 6. Et pourtant, qu’est-ce qu’on était content de trimballer cette brique partout parce qu’enfin on ne risquait pas de rater un appel en sortant de chez nous. Et en plus, on pouvait jouer au Snake, ce jeu inoubliable au graphisme encore moins évolué que les fresques de Lascaux.

Bref, avec le téléphone portable, on rentrait dans une nouvelle ère de la drague : celle où on filait notre 06 dans les bars, sur la plage, ou à ses collègues de travail. On faisait de vraies rencontres et on était sélectionnés sur des critères objectifs tels que le physique pour les hommes et l’humour et la carte bancaire pour les femmes, ces deux derniers critères pouvant ou non, être simultanés. Nous étions donc dans les mid 1990’s et pour rencontrer des partenaires sexuels ou plus si affinités, on sortait de chez soi.

Et puis en 2001 est né le site référence des gens qui n’arrivent pas à se rencontrer de manière naturelle : Meetic qui ouvrit la voie à tous les autres sites du même genre (Adoptunmec, Attractive World, Badoo, E-Darling etc) et nous voilà entrés dans l’ère où tous les laissés pour compte des méthodes de séduction en live (les timides, les mal dans leur peau, les super-occupés de la life) ont pu rebooster leur estime de soi, vendant leur beauté intérieure via des messageries instantanées, tout en enfumant le chaland avec des photos datant de 10 ans en arrière, voire ne les représentant pas du tout. Cela dit, les beaux (belles) gosses débordés passant aussi par là ne mettaient pas forcément davantage leur vraie photo, les sites de rencontre véhiculant à l’époque une image de perdant ayant un problème temporaire ou durable de séduction IRL (In Real Life).

Mais comme dirait Darwin (à moins que ce ne soit ma concierge ?), tout évolue.

L’homme d’affaire créatif étant programmé pour investir les filons porteurs, nous voilà 15 ans plus tard avec non plus des sites, mais des applis sur nos smartphones, nous permettant même de draguer aux chiottes les jours de paresse intestinale, car on n’arrête pas le progrès : penses-y, ami lecteur, tu es géolocalisé, et les développeurs sont là pour te proposer des applis auxquelles tu n’aurais certainement pas pensé. Pense juste à tirer la chasse.

Alors, quels sont les meilleurs outils qui s’offrent aux célibataires ? Tout d’abord, une judicieuse trouvaille, sans doute édifiée sur un cas pratique : happn, qui te permet de retrouver les gens que tu croises et tient même des statistiques intéressantes sur le sujet (Gaspard, 31 ans, croisé 5 fois), du coup si tu n’avais pas un poil de sec à l’idée d’aborder ce potentiel objet de ton désir, cette merveilleuse appli te permet de rectifier le tir en toute quiétude sans passer ton master de la lose. Génial, sauf que dans mon quartier, il n’y a que des retraités, on est bien loin d’une offre pléthorique.

Alors du coup tu peux toujours te tourner vers l’appli qui cartonne : Tinder (et leurs versions LGBT : Grindr et Blendr, chacun sa vie, chacun ses poches) où tu fais défiler les photos des utilisateurs proches de toi. Shopping, non pas de sacs, mais de partenaires de proximité.

Mais ne stresse pas, ami lecteur : si une appli te déçoit, tu peux toujours utiliser Once (qui te propose un partenaire par jour), Booxup (pour les lecteurs), Beepin (pour rencontrer des collègues), Threender (pour les plans à plusieurs), Fundi (où votre profil est mis aux enchères), OkCupid (qui calcule votre taux de comptabilité), etc, etc, le marché de la misère affective est énorme et sans fin, puisqu’il existe même désormais une appli de rencontre pour les people et personnes travaillant dans les industries créatives, Raya (mais ne rêve pas, sur celle-là tu dois être coopté par un Super Ami Lecteur, et je pèse mes majuscules).

Finalement, trouver l’âme sœur ne se résumerait-il pas à un smartphone géolocalisable, un algorithme et une bonne photo ? Ta problématique, ami lecteur, n’est plus de proposer la meilleure version de toi-même au quotidien, mais bel et bien d’avoir un ami photographe de talent, et un autre rédacteur, pour optimiser ton profil. Ensuite, une fois que tu auras matché, sur une appli ou l’autre, tu pourras toujours envoyer des SMS, ou des sexto, selon ce que tu as à dire, ton postérieur gentiment calé dans ton canap, en te fatiguant uniquement du doigt.

Alors avant que tu ne tombes définitivement dans la recherche de l’âme sœur ou de ses fesses façon Matrix avec des algorithmes confortables et des photos filtrées deux cents fois, je te lance un défi : trouver ton prochain partenaire à l’ancienne, avec la méthode vintage d’un sourire éclatant, d’un bon look et d’un humour qui tabasse. Et ensuite tu me diras, si ce n’est pas plus sympa (hé oui, dans la vraie vie, pas de défiltrage brutal, tu vois le candidat dans son jus, ça t’évite bien des traumatismes).

Allez, hop, ami lecteur, tes pieds dans tes Stan Smith, ta confiance sous le bras (car tu es beau, ou belle, c’est une question de pensée-racine) et pars chasser autre chose que des Pokémons !

A la semaine prochaine !

(Credit Photo : 9gag.com)

Je ne peux pas, j’ai piscine…

La canicule aux assonances inspirantes (y a de la rime dans l’air…) nous est tombée dessus comme la misère sur les gueux à la fin du mois d’août, nous obligeant, ami lecteur, à boire de l’eau à l’apéro entre deux verres de rosé pour éviter une déshydratation foudroyante (une hérésie), mais aussi à trouver des solutions pour ne pas mourir frappés par une combustion spontanée.

Les opportunités de divers rangements m’ayant fait remettre la main sur d’anciens tickets d’accès à une piscine olympique de plein air, me voilà partie avec palmes et planche joindre l’utile à l’agréable, avec la naïveté de l’agneau à qui on aurait dit que l’abattoir est une station alpine aux pâturages verdoyants.

Arrivée au bord du bassin, je croise des personnes de sexe féminin, en maillots à paillettes, maquillées et coiffées comme pour aller en boîte de nuit : brushing, rouge à lèvres Rouge Allure de Chanel teinte n°98 Coromandel, même le vendredi soir je ne suis pas aussi apprêtée. Et là je me dis, ai-je loupé une étape importante de l’évolution sociale où la piscine serait devenue la nouvelle église où s’endimancher ?

Et puis, comment fais-tu pour nager, car pour obtenir un résultat pareil, tu as bien dû sacrifier deux bonnes heures de ta journée, entre la coiffure et la pose du vernis, tu ne vas quand même pas aller détruire cette œuvre d’art de toi-même bêtement en te mettant à l’eau, si ?

Deux écoles.

Il y a celles qui ne mettent pas l’ombre d’un doigt de pied dans la piscine. C’est un concept. On est juste dans un changement de décor d’un nouvel épisode de leur trépidante vie. Cependant, quand bien même serions-nous dans la recherche d’une alternative à la plage (trop vulgaire), le questionnement du maquillage demeure (pourquoi faire ???)

Ensuite il y a celles qui nagent quand même. Mais pas comme moi. Explications.

Tout d’abord, il y a le choix du maillot, avec le minimum de tissu possible. Une fois dans l’eau sans qu’aucun cheveu ait été en contact de près ou de loin avec l’eau javellisée du bassin, le haut du maillot saute afin d’éviter de disgracieux décalages de bronzage (tu oublies donc les maillots de piscine, qui continuent de pendouiller, inutiles et en dépression, dans les rayons du Décathlon le plus proche).

Bon, c’est le moment où je ne me moque pas trop, puisqu’il m’est arrivé par le passé d’enlever le haut pour pouvoir continuer à porter ce joli bustier acheté en solde chez Bash. Cependant, et note-le bien ami lecteur, je n’ai jamais poussé jusqu’à investir dans un maillot-string, faudrait quand même pas déconner.

Oh et puis zut. Je peux bien rire un peu de moi-même, et de mon air con avec mon haut de maillot accroché à ma planche (du coup je ne le fais plus, pas la peine de venir faire le curieux et mater seul ou à plusieurs, ami lecteur).

Mais ceci n’est en fait que le début.

Les nageuses en question ont donc investi dans le waterproof, histoire d’être optimales dans le bassin, et nagent en lunettes Chanel, Armani Eyewear, Ray-Bans et j’en passe, que je n’oserais pour ma part jamais mettre dans ce contexte-là puisqu’il est statistiquement impossible de ne pas croiser dans ta ligne un homme de l’Atlantide qui te balance la moitié de l’eau de la piscine dans la tronche, javellisant ainsi ton waterproof et ton accessoire de marque.

Concentrons-nous à présent sur cet autre régulier de l’endroit : l’homme de l’Atlantide.

Celui-là non plus ne vient pas que pour nager.

D’abord, il rentre dans une tranche d’âge bien au-dessus de la tienne et des nageuses maquillées. Il pourrait presque être ton père, à vrai dire. Notons juste qu’il y voit bien de loin (c’est un détail important).

De fait, il fait peu de longueurs, car à son âge, ça le fatigue, les 50 m olympiques. Le rythme, c’est plutôt : une longueur – une grosse pause – une longueur – une grosse pause.

Et, pendant tout ce temps, il reluque.

Il nage équipé, avec un masque et un tuba, pratique pour le crawl, et surtout, pour observer l’évolution des seins nus dans l’eau. Quand il s’arrête entre deux barbotages, il enlève le masque et rattache les belles images aquatiques aux têtes des pinups à solaires au double C. S’il se sent en grande forme, il arrive qu’il tente une petite approche auprès de toute personne du sexe opposé faisant mine de faire également une pause à proximité.

Car nous touchons donc là le vrai cœur du problème : les gens n’étaient pas là pour nager, mais pour rencontrer d’autres gens.

A la piscine.

Où la boisson la plus excitante de la buvette est le Sprite saveur Mojito (pas facile facile, l’amorce drague : « Salut, je t’offre un Sprite ? »)

Où, comme quand tu pratiques n’importe quel sport, au bout d’un moment tu ne ressembles à rien (sauf si tu fais partie de la catégorie 1 des non-nageuses).

Pas grave : elle est là ton alternative à Tinder.

Tu prends une connaissance bien plus précise du dossier qu’avec n’importe quelle photo de profil, retouchée, filtrée, datant de 15 ans, où peut-être ce n’est même pas toi : tu le vois en maillot. La vérité se trouve au bord de la pistoche.

Alors je suis sortie de l’eau, ami lecteur, en me disant qu’une fois de plus j’étais à côté de la plaque, à vouloir faire du sport dans un endroit prévu pour.

Que je ne devais pas encore être au bout du rouleau en ne recyclant pas chaque activité effectuée en dehors de chez moi en terrain de rencontres.

Et j’ai alors croisé cette femme qui m’a fait reprendre espoir en la normalité des situations : elle est entrée dans l’eau, avec sa planche et ses palmes, dans un maillot Arena une pièce spécial nageuse, avec un bonnet hideux, les affreuses mini-lunettes de piscine, le visage tartiné d’un écran total de compète lui faisant la face toute blanche et brillante.

Tout n’est donc pas perdu, ami lecteur, alors bonne rentrée et à la semaine prochaine !