Faut-il encore draguer dans les bars ?

Cher ami lecteur, la société évolue, au point que pour draguer tu vas devoir bientôt te concocter un cv affectif, déjà que tu n’es pas loin de courir les photographes pour optimiser ton profil Facebook, Tinder, etc, au point que tu réfléchis à te fabriquer un trombino de tes ex comme sur Who’sDatedWho, ce site rigolo où tu vois enfin à quel point les stars n’ont vraiment rien d’autre à foutre que de se taper les unes les autres. Les applis de rencontres cartonnent, les couples se répandent sur leur désespoir affectif dans les émissions de témoignages comme la grippe dans un service de gériatrie, bref ta vie sentimentale se passe sur un écran. Mais que reste-t-il de la vraie vie et surtout de la drague dans les bars ? Et surtout, qu’en pense ta libido ?

Parce qu’il faut être honnête, à moins d’être totalement alcoolique, c’est bien pour cela que les bars existent. L’être humain est régi par le principe de plaisir, m’a assuré mon prof de philo en terminale, j’en déduis donc raisonnablement que la fornication restera encore longtemps une préoccupation centrale. Et comme le viol n’est pas une pratique autorisée entre personnes civilisées, la drague dans les bars a longtemps été l’alternative principale et prometteuse aux agréments du boudoir.

À Perpignan, il faut dire qu’on se donne du mal, les bars à tapas poussent comme les champignons dans les slips des touristes l’été dans les campings, tu n’as que l’embarras du choix, et pourtant il devient de plus en plus difficile d’y faire ton marché, pardon, de rencontrer un ou une partenaire de moyen ou long terme.

Il faut quand même préciser que, hier ou aujourd’hui, tout le monde ne drague pas. Certains n’ont pas besoin, même si de nos jours, dans notre belle société tellement tournée vers les autres, on se demande bien qui est, en toute sincérité, totalement heureux dans son couple ; d’autres ne sont pas paramétrés pour (timidité, complexes divers, ego surdimensionné), enfin, d’autres encore ont une hygiène de vie qui n’est assurément pas la mienne (quinoa, thé vert, tartare d’algues).

J’ai recensé quatre sous-statuts de l’individu susceptible de draguer (indépendamment du sexe de l’individu en question) :

L’individu célibataire : comme on n’a jamais vu en dehors d’un écran de cinéma le partenaire tant espéré sonner directement chez soi (et encore moins depuis l’arrivée en force de la très flippante tendance danoise hygge, chaussettes pilou et feu de cheminée), et à moins d’avoir des velléités de vie spirituelle avancée du genre ermite, ce qui, au vu de mes récentes expériences de voisinage nuisible peut s’avérer être tentant, l’individu célibataire donc, est le plus propice à se rendre dans un bar pour y draguer. Mais avec le récent boom des sites de rencontres, cette catégorie a considérablement diminué, mais on croise toujours :

  • l’individu célibataire vintage : il ou elle a plus de 40 ans, et a donc connu une époque sans téléphone portable ni Tinder. Il ou elle continue donc de croire au pouvoir des bars.
  • L’individu vrai communicant : parce que c’est beaucoup moins drôle de parler avec une tablette.
  • L’individu beau ou belle gosse : parce qu’on voit quand même mieux sa beauté et son charisme sensationnel en vrai.

Dans ces trois statuts, tu peux également trouver des sous-catégories, telles que : le/la queutard(e) (qu’on retrouve également dans les individus en voie de séparation, voire dans les couples stables et solides) ; le/la relou bourré(e), l’alcool pouvant faire perdre en plus de l’inhibition, tout sens de l’objectivité, voire la dignité tout entière ; le/la timide, généralement en groupe avec des amis, qui rêve de draguer mais a trop peur de se prendre un râteau, et qui parfois se lance, après quelques (litres de) bière(s), mais se transforme alors en relou bourré(e).

L’individu en voie de séparation : après avoir repris la course à pied ou le fitness, il ou elle va tester l’impact de ce nouveau corps en live afin de se prévoir un plan B sans latence entre deux périodes de vie en couple, l’objectif étant de ne jamais passer par la case de célibat. Ou, sous prétexte d’avoir besoin de parler à un(e) ami(e), en profite pour faire des repérages et envoyer quelques signaux en PNL (gros clignotage hormonal de l’annonce :   « bientôt libre ! »), objectif ibid.

L’individu récemment séparé : il ou elle est en dépression, qu’il ou elle soit largué ou larguant. Ne supporte pas d’être seul, mais ne supporte pas la foule dans les bars non plus. Pas encore célibataire dans sa tête, poussé hors de chez lui par ses amis qui, eux, ne supportent plus de le (la) voir tirer la tronche et pensent qu’une bière lui fera le plus grand bien. Quand le déclic a lieu (souvent après la 3e bière), part en chasse un peu tous azimut car n’a plus rien à perdre. Gros risque de levage de partenaires absurdes.

L’individu en couple qui omet de le dire : possible dans les grandes villes, très risqué ailleurs. Souvent (mais pas forcément) est un individu en voie de séparation en devenir.

Alors, que reste-t-il de la drague dans les bars ?

Tout d’abord, que tu sois ou non inscrit(e) sur une appli de rencontres, tu as noté le côté nettement moins bon enfant des bars, où chaque arrivée se prend un scan visuel de ceux et celles qui sont arrivés avant, ce qui ne t’aide pas du tout à te détendre : en effet, les inscrits essaient de repérer IRL les photos et profils vus sur les applis, les autres se demandent si tu es susceptible de constituer une nouvelle cible. Tout cela n’est pas très fun, le calamar à l’andalouse des tapas te le certifie. Dans ces conditions, établir un contact avec l’autre qui est pourtant juste à côté de toi devient de plus en plus compliqué, car tu ne peux plus parler à l’autre sans être suspecté de draguer alors que c’est pour ça que tu es venu, tu saisis la difficulté de l’entreprise ?

Ensuite, ami lecteur, il est parfois pertinent de te pencher sur les chiffres : selon une étude de Marie Bergström, « Sites de rencontre : qui les utilise en France ? Qui y trouve son conjoint ? », parue dans Population et Sociétés, n° 530, février 2016 (oui, oui, c’est une source qui ne rigole pas) seulement 2% des conjoints du panel se sont trouvés en ligne, je cite  : « Les sites donnent plus souvent lieu à des relations éphémères qu’à des couples stables ».

Alors je ne saurais que trop te recommander, ami lecteur, de retrouver ton âme d’enfant quand tu vas dans les bars si tu éprouves le besoin ou l’envie d’y aller, et de commencer par t’amuser vraiment ; ton pouvoir attracteur en sera démultiplié, sans aucun effort. Et tu pourras peut-être, à ce moment-là, te faire draguer pour une fois. On ne sait jamais, ça peut te plaire.

Quant à savoir s’il faut encore ou non draguer dans les bars, j’ai envie de te conseiller de ne pas attendre mai pour faire ce qu’il te plait… tout pouvant par définition arriver n’importe quand, ne te limite pas à un bar pour séduire, d’autant que, passé minuit, les Gremlins biberonnés au Get 27 te guettent.

Lâche juste ton téléphone deux minutes.

La vie est juste là (et les beaux/belles gosses aussi) !

À la semaine prochaine !

L’homme de ma vie est-il à 300 m ?

Cher ami lecteur, te souviens-tu de mon premier téléphone portable, le Nokia 5110 Ola quand Orange s’appelait encore Itinéris ? Il ressemblait à une grosse télécommande en couleur et pesait presque le double de mon iPhone 6. Et pourtant, qu’est-ce qu’on était content de trimballer cette brique partout parce qu’enfin on ne risquait pas de rater un appel en sortant de chez nous. Et en plus, on pouvait jouer au Snake, ce jeu inoubliable au graphisme encore moins évolué que les fresques de Lascaux.

Bref, avec le téléphone portable, on rentrait dans une nouvelle ère de la drague : celle où on filait notre 06 dans les bars, sur la plage, ou à ses collègues de travail. On faisait de vraies rencontres et on était sélectionnés sur des critères objectifs tels que le physique pour les hommes et l’humour et la carte bancaire pour les femmes, ces deux derniers critères pouvant ou non, être simultanés. Nous étions donc dans les mid 1990’s et pour rencontrer des partenaires sexuels ou plus si affinités, on sortait de chez soi.

Et puis en 2001 est né le site référence des gens qui n’arrivent pas à se rencontrer de manière naturelle : Meetic qui ouvrit la voie à tous les autres sites du même genre (Adoptunmec, Attractive World, Badoo, E-Darling etc) et nous voilà entrés dans l’ère où tous les laissés pour compte des méthodes de séduction en live (les timides, les mal dans leur peau, les super-occupés de la life) ont pu rebooster leur estime de soi, vendant leur beauté intérieure via des messageries instantanées, tout en enfumant le chaland avec des photos datant de 10 ans en arrière, voire ne les représentant pas du tout. Cela dit, les beaux (belles) gosses débordés passant aussi par là ne mettaient pas forcément davantage leur vraie photo, les sites de rencontre véhiculant à l’époque une image de perdant ayant un problème temporaire ou durable de séduction IRL (In Real Life).

Mais comme dirait Darwin (à moins que ce ne soit ma concierge ?), tout évolue.

L’homme d’affaire créatif étant programmé pour investir les filons porteurs, nous voilà 15 ans plus tard avec non plus des sites, mais des applis sur nos smartphones, nous permettant même de draguer aux chiottes les jours de paresse intestinale, car on n’arrête pas le progrès : penses-y, ami lecteur, tu es géolocalisé, et les développeurs sont là pour te proposer des applis auxquelles tu n’aurais certainement pas pensé. Pense juste à tirer la chasse.

Alors, quels sont les meilleurs outils qui s’offrent aux célibataires ? Tout d’abord, une judicieuse trouvaille, sans doute édifiée sur un cas pratique : happn, qui te permet de retrouver les gens que tu croises et tient même des statistiques intéressantes sur le sujet (Gaspard, 31 ans, croisé 5 fois), du coup si tu n’avais pas un poil de sec à l’idée d’aborder ce potentiel objet de ton désir, cette merveilleuse appli te permet de rectifier le tir en toute quiétude sans passer ton master de la lose. Génial, sauf que dans mon quartier, il n’y a que des retraités, on est bien loin d’une offre pléthorique.

Alors du coup tu peux toujours te tourner vers l’appli qui cartonne : Tinder (et leurs versions LGBT : Grindr et Blendr, chacun sa vie, chacun ses poches) où tu fais défiler les photos des utilisateurs proches de toi. Shopping, non pas de sacs, mais de partenaires de proximité.

Mais ne stresse pas, ami lecteur : si une appli te déçoit, tu peux toujours utiliser Once (qui te propose un partenaire par jour), Booxup (pour les lecteurs), Beepin (pour rencontrer des collègues), Threender (pour les plans à plusieurs), Fundi (où votre profil est mis aux enchères), OkCupid (qui calcule votre taux de comptabilité), etc, etc, le marché de la misère affective est énorme et sans fin, puisqu’il existe même désormais une appli de rencontre pour les people et personnes travaillant dans les industries créatives, Raya (mais ne rêve pas, sur celle-là tu dois être coopté par un Super Ami Lecteur, et je pèse mes majuscules).

Finalement, trouver l’âme sœur ne se résumerait-il pas à un smartphone géolocalisable, un algorithme et une bonne photo ? Ta problématique, ami lecteur, n’est plus de proposer la meilleure version de toi-même au quotidien, mais bel et bien d’avoir un ami photographe de talent, et un autre rédacteur, pour optimiser ton profil. Ensuite, une fois que tu auras matché, sur une appli ou l’autre, tu pourras toujours envoyer des SMS, ou des sexto, selon ce que tu as à dire, ton postérieur gentiment calé dans ton canap, en te fatiguant uniquement du doigt.

Alors avant que tu ne tombes définitivement dans la recherche de l’âme sœur ou de ses fesses façon Matrix avec des algorithmes confortables et des photos filtrées deux cents fois, je te lance un défi : trouver ton prochain partenaire à l’ancienne, avec la méthode vintage d’un sourire éclatant, d’un bon look et d’un humour qui tabasse. Et ensuite tu me diras, si ce n’est pas plus sympa (hé oui, dans la vraie vie, pas de défiltrage brutal, tu vois le candidat dans son jus, ça t’évite bien des traumatismes).

Allez, hop, ami lecteur, tes pieds dans tes Stan Smith, ta confiance sous le bras (car tu es beau, ou belle, c’est une question de pensée-racine) et pars chasser autre chose que des Pokémons !

A la semaine prochaine !

(Credit Photo : 9gag.com)

Robe Blanche va-t-elle se taper Tee-Shirt Gris ?

C’est une des questions que je me suis posée vendredi dernier, dans un bar à l’apéro, parce qu’à l’apéro, le temps n’est pas aux questions ontologiques.

Il faut dire que Robe Blanche elle en envoyait, des watts.

C’était difficile de nier son existence, ni même de ne pas lui prêter attention : ondulations et trémoussages horizontaux, verticaux, en diagonale même. Jets de cheveux longs dans le périmètre, agitation de bras : si je ne l’avais pas remarquée, c’est que subitement la cataracte m’aurait frappée entre deux verres de rosé piscine.

Evidemment, Robe Blanche ne faisait pas tout ça pour rien.

Robe Blanche avait jeté son dévolu sur Tee-Shirt Gris, que je n’aurais sans doute même pas aperçu s’il n’avait été la cible plus ou moins consentante de Robe Blanche.

Au-delà de la nécessité d’avoir un air que l’on suppose hyper cool (selon des critères discutables à l’infini) dans un lieu de rencontres sociales, toute l’agitation de miss Robe Blanche semblait à première vue, au moins bien fatigante, mais surtout contre-productive.

Si elle visait Tee-Shirt Gris, il avait l’air mal à l’aise.

Si elle visait un autre gars, dans un périmètre proche, ils buvaient tous un verre sans la regarder, c’était donc un fiasco.

Pourtant, elle n’était ni vieille, ni moche, ni mal foutue, Robe Blanche. C’est juste qu’elle a fait une campagne de comm répulsive. Ma compassion naturelle me dicte ces quelques conseils bienveillants pour que toutes les Robes Blanches des vendredi soir ne cumulent plus tous ces faux-pas.

Tout d’abord, le déshinibateur universel, l’alcool, est un faux-ami. Contrairement à l’idée reçue que tu en as, il ne te met pas du tout en valeur, mais te fait gesticuler toujours plus fort, chanter plus faux, ton regard et ta parole partent se coucher en même temps que ta dignité, ton haleine devient approximative (c’est-à-dire, proche de l’équidé). Bois le verre du courage si tu veux, mais restes-en là. Si un deuxième verre t’es absolument nécessaire, alors prends un Get 27, au moins tu resteras classe quand la police te demandera tes papiers sur le trajet du retour.

Oublie les robes moulantes, courtes et décolletées à la fois : c’est un triple message sur le même sujet, à n’utiliser qu’avec parcimonie dans le cadre d’une attitude minimaliste et fatale, un coude nonchalamment appuyé au bar. Sinon : à bannir. Tout comme de porter en même temps des bracelets à un bras et une montre à l’autre, ou un énorme collier et des grosses boucles d’oreilles : c’est la gastro visuelle assurée.

Si tu as besoin d’un amplificateur d’exubérance (alcool, drogue, sac Yves Saint Laurent) alors, de deux choses l’une : soit tu es mal dans ta peau, alors évite les psychotropes, ça va se voir encore plus ; soit tu n’es pas exubérante, et là tu peux être miss monde, t’as quand même l’air d’une dinde, comme toujours quand tu fais des choses qui ne te correspondent pas. Regarde, même Jeff Tuche a compris que dans la vie tu as tout à gagner si tu es toi-même (sauf si tu es toute noire à l’intérieur, mais bon, ce n’est pas l’objet du débat).

Je ne saurais donc trop te recommander un peu de sobriété à tous les étages : un regard, s’il n’est pas injecté de sang mais de sensualité et de promesses, peut être bien plus efficace que toutes les ondulations les plus cosmiques que tu pourras imaginer (surtout si ton copain le rythme est parti dans un autre bar), et si d’aventure, tu l’accompagnes d’un joli sourire, gageons que pour un effort minimum, tu obtiendras bien plus qu’avec tout le mal que tu t’es donné dans ce débit de boissons branchouille.

Alors c’est sûr, Robe Blanche est à mille lieues de la loi Travail, elle ne se demande pas sur qui va peser l’augmentation des consultations généralistes par l’Assurance Maladie, elle s’en tamponne que Macron paie ou pas l’ISF : aujourd’hui elle a mis tous ses atouts en vitrine, oubliant le principe du mystère incitatif et de la promesse alléchante de découverte.

C’est peut-être ça aussi son problème : tellement centrée sur sa personne, qu’elle en a perdu la mesure des proportions.

C’est pourquoi, ami lecteur, je réfléchirais désormais à deux fois si j’étais toi avant de prendre ce 3e verre qui tue ta dignité, avant de t’habiller pour envoyer le mauvais message, et tu pourras comme ça te préoccuper de choses autrement plus profondes et gratifiantes !

A la semaine prochaine !