Voter blanc, ça sert à quoi ?

Cher ami lecteur, cette semaine j’avais d’abord pensé te faire une petite bafouille sur les sérums de beauté, dont je n’ai, à ce jour et malgré beaucoup de bonne volonté dans le testing, pas encore compris l’utilité. En réfléchissant, je me suis dit qu’il y avait tellement de choses, pourtant plus importantes, qui existent mais on ne sait pas trop bien pour quoi.

En l’occurrence, en cette période électorale, le vote blanc.

Le vote blanc, c’est quoi donc exactement ?

Contrairement au vote nul (ou bulletin invalidé non conforme) et l’abstentionnisme (ou non-vote), le vote blanc c’est quand aucun des candidats ne t’a convaincu, et que tu souhaites quand même exercer ton droit de vote. Concrètement, ça se traduit par un bulletin blanc ou une enveloppe vide mis dans l’urne. A savoir pour info que le bulletin blanc en question, c’est toi qui te le prépares, alors si jamais tu manques d’idées pour occuper tes gosses le mercredi après-midi quand il pleut, l’Etat t’offre une alternative, sachant que ledit bulletin doit être, au millimètre près, de la même dimension que les autres bulletins (avant l’atelier découpe, une petite chasse au trésor « trouve la taille magique du bulletin » s’impose donc).

Alors si ni François, ni Emmanuel, ni Marine, ni Jean-Luc, ni Benoît, ni l’autre François, ni Jacques, ni Philippe, ni Nathalie, ni Nicolas ne t’inspirent, tu votes blanc, si tu as besoin de te dégourdir les jambes. Que devient ensuite ta petite enveloppe vide ?

Concrètement, depuis 2014, elle fait l’objet d’un comptage à part.

Et voilà.

Ta voix, ton unique influence politique, ta seule possibilité d’expression entendue par le pouvoir en place, est perdue dans un petit pourcentage, et c’est tout.

Que peux-tu donc faire ?

Tu peux choisir un candidat par défaut. Tu te crées une grille d’analyse avec des critères personnels ultra-pertinents (le meilleur costume, signe astrologique, cravate…) et tu prends le moins pire, en espérant qu’aucun spécialiste de la langue française ne lira ce post. Bon ben, c’est comme te rabattre sur la marque repère alors que tu ne bouffes que du bio depuis cinq ans. T’es frustré, et pas en phase avec toi-même.

Tu peux aussi rejoindre les Citoyens du Vote Blanc, et espérer, ça fait vivre, que leur proposition de loi pour réformer le « Système » passe (PTDR).

Tu peux aussi voter blanc parce que tu es une méduse. Tu ne sais pas pour qui voter, d’habitude tu votais comme tes parents, mais ils sont morts. Ou alors tu es fâché avec eux. Tu n’as aucun avis sur la question, mais tu te souviens que ne pas voter, c’est mal. Bon bah, tu vas quand même voter blanc et te trouver un violon pour pisser dedans, c’est toujours moins violent que des toilettes sèches.

Cependant.

Tu votes dans un système (encore lui) où, si toi et disons 55 millions de tes amis votiez blanc, soit 85% de la population française, cela signifierait donc que les candidats se partageraient les 15% qui votent. Si parmi eux, celui qui gagne prend disons 45% des suffrages, en réalité il prend 45% de 15%, soit un peu moins de 7%. Ça ne fait pas du tout pareil, hein ?

Même si les chiffres de l’exemple sont un peu marseillais (en 2012 on tournait autour de 20% d’abstention et 6% de votes blancs), si les abstentionnistes votaient eux aussi tous blanc au lieu de rester au barbeuc du dimanche à faire monter leur taux de cholestérol, on serait à plus d’un quart de la population, ce qui, dans un camembert, n’est pas rien, ce n’est pas le corbeau de la fable qui me contredira.

Aux régionales de 2015, une pétition de plus de 150000 signatures pour demander la prise en compte du vote blanc comme suffrage exprimé est un pet dans l’eau.

Et puis si jamais on reconnaissait soudain le vote blanc, quoi ?

On cherche d’autres candidats ? On demande à ceux déjà présents de nous ressortir en cinq-sec de nouveaux programmes plus adaptés ? On refait des élections (et on augmente ta taxe foncière pour les payer ?)

A première vue, ami lecteur, c’est comme démêler les fils de tes écouteurs d’Iphone d’une seule main quand tu es pressé : c’est n’importe quoi.

Alors je m’en vais laisser le blanc aux robes de mariées et aux intérieurs hygge, et me comporter comme si ma voix comptait vraiment. Comme dans les contes de fées.

La pensée magique, ça s’appelle. Ça rend joyeux, comme un verre de rosé en juin.

Et surtout, pour une fois ami lecteur, me voilà bien soulagée de ne pas avoir de progéniture.

J’aurais été bien emmerdée d’expliquer à mes gosses ce qu’est la démocratie.

À la semaine prochaine !

Le filet de Macron, c’est pour qui ?

Bon, moi je ne sais pas toi, ami lecteur, mais j’ai un peu du mal à avaler la soupe aux élections. J’ai carrément l’impression de faire de la monodiète, et, après la quinzaine Fillon, de me taper du Macron matin, midi et soir, jusqu’à l’indigestion. C’est comme si soudain les media étaient atteints de radotage généralisé, ils tournent tellement en boucle sur le sujet que le trognon ne doit plus être très loin.

Là ce qu’il y a, c’est que techniquement nous étions face à un nouveau plat sur la carte, ça aurait dû nous exciter les papilles, ce petit jeune, ministre une seule fois à moins de 40 balais, le voilà enfin notre candidat du renouveau, enfin une alternative à la viande corrompue qu’on nous sert en entrée, plat et dessert depuis VGE. On se dit chouette, et en deux deux on l’a investi de tous nos espoirs d’améliorer notre situation personnelle, parce que la France, on s’en fout un peu, hein, l’important c’est Bibi, et nous voilà partis, naïfs et moutonniers, comme si l’élection du président de la République avait jamais amélioré une autre situation que celle dudit président et de ses copains proches.

Alors sortons la lingette et astiquons-nous les Essilor : à part le gars, qu’y a-t-il réellement de nouveau ? En ce moment, tout le monde porte des Stan Smith et est macroniste, du coup chacun y va de son recyclage de veste, et M. Bayrou, après lui avoir taillé un costard, porte sa chaise comme dans un mariage du Sentier. Dans la vraie vie, on aurait trouvé ça faux-cul et opportuniste, mais dans les media, on trouve que c’est méga-cool que Manu soit parrainé par le politique le plus raillé en France depuis des années. Le renouveau avec de vieux ingrédients, ce ne serait pas plutôt du réchauffé, finalement ?

Donc, en plus de nous taper une vieille tambouille dans un nouveau pot, Emmanuel le Bel nous a mis en scène un petit suspense de jeté de programme, qui tient plus finalement de Blair Witch que d’une apparition miraculeuse à Lourdes : une grosse montée de tension et pas grand chose à la fin. Après, il faut quand même dire que c’est joli tout plein : on y croise pas mal de licornes, avec des exonérations massives de taxe d’habitation, une baisse des cotisations sociales pour les entreprises, une hausse du smic et du minimum vieillesse, des créations d’emploi dans la Police et l’Education Nationale, des remboursements à 100% de mes futures lunettes Chanel et de mes encore plus futures prothèses auditives, une augmentation de l’allocation adulte handicapé, une prime à la casse de 1000 €, une aide à l’emploi pour l’embauche en CDI d’habitants de quartiers prioritaires, un budget de l’Armée augmenté jusqu’à 2% du PIB, une suppression de la part salariale des cotisations chômage et maladie financée par une hausse de 1,7 % de CSG (ça rentre par une oreille, ça sort par l’autre) et pour le reste, quel est le plan de financement ? Les lutins et les elfes ? Nooon pas seulement. La fée des petits crétins viendra s’acquitter des postes supplémentaires de l’éducation nationale via une réduction des épreuves du BAC au nombre de 4 (lesquelles, sachant qu’il ne reste déjà plus grand chose de cet examen) et une disparition de 120 000 fonctionnaires (tu cliques sur « supprimer » et, bibidee bobidee boo, il n’y a plus rien, les pointeuses n’en reviennent pas).

Ainsi, il est clair qu’un fois de plus, nous ne voterons pas pour des programmes, que je soupçonne d’être écrits par la même cellule qui rédige les notices IKEA, mais pour des individus. Soit. En l’occurrence, avec EM, nous voilà face à quelqu’un qui sait communiquer, pas de souci, il n’évitait même pas Cyrille Eldin à la grande époque du Supplément, c’est dire, toujours un bon mot, un physique pas trop dégueulasse (pas de quoi mordre le coussin non plus), les cheveux de la jeunesse, il marque des points ne fût-ce que par effet de comparaison.

Mais on a quand même vu le gars limite en transe sur ses meetings, comment va-t-il faire pour que sa tête ne s’envole pas dans la stratosphère une fois au pouvoir ? Qui va le canaliser ? Brigitte ? Euphytose ? Va-t-il dissoudre l’Assemblée Nationale un jour de up ? Et surtout, quelles sont les alternatives ? Sortir de la zone € avec Marine, danser le « je sors, je sors pas » avec François ? A une époque où on déterre les dossiers, il serait peut-être bon de cesser d’alimenter un système où il est impossible de ne pas en avoir…

Bref, la perspective est réjouissante : voter ne sert à rien, mais ne pas voter revient à abandonner le seul moyen d’action que moi, petite citoyenne lambda, j’ai à ma portée. Alors je ne vais pas devenir la déprimée politique qui chante « tous pourris » avec une vieille guitare et un chèche sur Youtube, mais j’avoue qu’un doute hyperbolique m’envahit l’asymptote face à cette popularité largement gonflée à l’hélium des medias.

Et pour moi, qui attends toujours un candidat moral, il me semble qu’attendre le prince charmant est nettement plus réaliste.

En gros, ce n’est pas gagné, comme dirait Faye Dunaway aux Oscars 2017.

Alors, ami lecteur, si, au lieu de balancer un œuf sur un candidat, tu allais te le faire cuire, je crois bien que ça ne changerait rien.

Et rien, c’est déjà quelque chose.

À la semaine prochaine !