Cher ami lecteur, après t’avoir fortement conseillé d’éviter certaines activités qui nuiront à ta crédibilité comme l’air guitar ou le sport-stacking, je me sens le devoir de te mettre aussi en garde face à la tentation de croire que, parce que les gens ne te donnent pas ton âge, tu peux faire tout et n’importe quoi comme si tu étais encore le teen-ager que tu n’es plus (depuis fort longtemps).
En l’occurrence, je vais partager avec toi mon expérience personnelle, survenue probablement d’avoir trop visionné la série Younger, où une quadra fraichement divorcée à New-York fait croire qu’elle a 14 ans de moins pour décrocher un job. Evidemment, comme elle y arrive puisque c’est une série où les RH ne vérifient pas le numéro de sécu, (et surtout qu’elle se tape un tatoueur de 20 balais avec des abdos de 20 balais) je me suis plu à penser que la pensée est créatrice, et qu’avoir une volonté de fer te propulse vers l’atteinte de n’importe quel objectif.
Je me suis donc inscrite à un cours de hip-hop.
Réactions de mon entourage : « Mais pourquoi ? » « Mais t’écoutes même pas cette musique ! » « Et tu vas tourner sur la tête et tout ? » « T’as craqué ? », bref, j’ai eu un encouragement sur une cinquantaine de silences désolés, de rondeur d’œil à se péter les orbites, donc un seul « c’est cool » mais avec le recul, je ne suis plus totalement certaine de l’écoute de ma copine à ce moment-là.
Je vais quand même répondre à la question du pourquoi.
Après avoir assisté à un cours de danse de Mia Frye, ça m’a « fait un trou dans ma life ». J’ai donc cherché un cours de street-jazz sur Perpignan, sans succès. Le hip-hop est ce que j’ai trouvé de plus approchant, et là non plus, ça n’a pas été simple, car les écoles à Perpignan ne cherchent pas d’élèves : sur 10 messages laissés, une seule m’a rappelée, et j’y suis restée.
Bonne ambiance, bon choix de morceaux, prof sympathique et sautillant : ça avait l’air bien. Mes amies danseuses m’ayant dit : tu verras, sois patiente, on progresse par paliers, je me suis dit, bon ben y a plus qu’à venir aux cours et le moment viendra.
Sauf qu’il semble que cette règle ne soit pas valable pour les quadras et plus.
Tu viens, tu galères, et la fois d’après tu continues de galérer.
Techniquement, comment ça se passe ?
Le prof te fait écouter la musique de l’enchainement. Ensuite il décompose les premiers pas lentement sans musique et tu les recommences avec lui plusieurs fois. Jusque-là tu gères.
Les ennuis commencent quand il met la musique.
ÇA VA BEAUCOUP TROP VITE.
Tes bras, tes jambes, rien ne suit. Mais tu essaies quand même, ton cerveau leur envoie aussitôt un ordre direct : « On bouge ! MAINTENANT !!! »
Du coup, tes bras et tes jambes affolés partent n’importe où, tu ne te rappelles d’aucun des mouvements qui viennent ensuite, et te voilà en train d’essayer d’imiter pathétiquement la super danseuse du premier rang, avec trois temps de retard.
Et à chaque fois que tu recommences, au lieu de t’améliorer, tu régresses.
Ça bourdonne dans tes oreilles, probablement parce que tu fais de l’hypertension due au stress (et à ton âge). Tu oublies tout, les pas, que tu es ici pour le plaisir, pour danser, non, toi tout ce que tu sais c’est que tu ne sais plus quel est ce fumier de prochain mouvement, et c’est ainsi que tu attends la fin du cours au bout du rouleau, en te demandant, un an plus tard, où est ce putain de palier après lequel tu galères moins.
Et c’est là que ton prof, qui s’ennuie un peu avec les cours de débutants, décide de mettre un peu de harissa dans le plat, et passe à des chorégraphies sur deux semaines au lieu de trois.
Et là, tu n’es plus qu’un long sanglot à l’intérieur.
Déjà que tu étais la Dory des chorés, là seul un miracle de Lourdes peut te sauver de la lose de la dernière ligne, celle qui regroupe les gens qui n’y arrivent pas (mais mieux que toi quand même).
Et histoire de m’achever, je surprends la conversation entre deux des fille(tte)s de mon cours : « moi cette année, je ne ferai pas le gala, je ne veux pas me mettre en danger pour le bac ».
Tu crois que tu ne peux pas tomber plus bas et moins à-propos ? Détrompe-toi, ton karma est ingénieux. C’est là qu’il choisit de te faire croiser ton ancienne collègue, charmante, branchouille et hyper-sympa, qui vient chercher sa fille, qui est à ton cours…
C’est à cet instant précis que j’ai entendu le jingle-fanfare pour la blague du jour, et que ma dignité m’a collé un arrêt maladie sans terme précis.
Je ne sais pas quand elle reviendra, mais tant que je continuerai à faire un mouvement sur trois dans un cours où la plupart des participantes pourraient être ma fille, je pense que je n’aurai aucune nouvelle.
Le truc c’est que, quand j’arrive à faire plus de 5 mouvements d’affilée, je suis tellement contente, que je crois que je vais persévérer encore un peu.
Que veux-tu, ami lecteur, la seule vraie certitude, c’est que le ridicule ne tue pas.
Et ça, c’est le laisser-passer pour la liberté : celle de danser comme une quiche.
Danser rend heureux.
Fais ce qui te plait même si tu n’es pas tout à fait au top, tu n’as qu’une vie.
N’attends pas !
À la semaine prochaine !
Mais c’est Excellent , bien écrit , un régal, fou rire
Suoer Anna
Merciiii beaucoup !!!!
Je n’ai qu’une seule chose à dire : merci pour le moment … succulent !
De toute galère il sort une rigolade, Babidji, règle de base ?
Oh mais j’adore !!! Je me sens plus que concernée..;42 ans au compteur et j’ai une envie folle de me mettre au pole dance…sauf que j’ai peur du ridicule 🙂 Mais finalement tu viens de me convaincre !
Merci
Ma chère Nathalie, ta seule limite, c’est toi… Fais ce que tu as envie ! Je compte sur toi pour me raconter ton expérience !!