Pourquoi il ne faut pas cracher dans la soupe aux ex

NB : par facilité d’écriture dû au sexe de l’auteur, l’ex généralisé est masculin. Mais le fonds du propos est unisexe. Ami lecteur, fais la gymnastique mentale de supprimer tous les « e » du féminin, et tu verras. 

Le premier réflexe après une séparation, qu’on soit larguant ou largué, c’est de verser un seau de merde sur l’ex tout frais, histoire de le rendre un peu moins frais justement.

Si on est larguante, il faut bien justifier le largage, et couper la chique à tous ceux de vos amis qui aimaient bien l’ex.

Si on est larguée, en général, on n’est pas très contente. Balancer sur son ex, c’est un peu comme gratter une plaque d’eczéma, ça soulage sur le moment. Puis ça revient. Il faut alors continuer, ou bien trouver une diversion, actionner un ventilateur (=draguer dans les bars), mettre de la cortisone (=se taper un mec pansement), que sais-je.

Donc, dans les deux cas, il est parfaitement logique, voire légitime, de déballer les anecdotes humiliantes (radineries dissimulées ou évidentes, photos dévalorisantes, maniaqueries diverses, mesures précises d’appendices et comparatifs…).

Si d’aventure tu peux les immortaliser dans un livre (merci Valérie T., sainte patronne des cocues humiliées qui prennent leur revanche, pour cette idée lucrative) ça peut te faire trois ronds, mais c’est rare. Le cas général, c’est que tu fais partie soit du sous-groupe 1 : ton ex se véhicule dans une proximité géographique de moins de 20 kms ; soit du sous-groupe 2 : il habite au-delà des 20 kms et qu’il y soit bouffé par les rats.

Le sous-groupe 1 est de loin le plus riche : l’ex de proximité.

Il peut faire partie de ta bande d’amis : c’est la misère. Outre l’inévitable scission (ceux qui sont de ton côté, et les bâtards de traîtres qui sont du sien) qui provoque une coupe sèche dans le nombre de tes amis, tu dois aussi jongler avec le résidu qui ne veut pas choisir, catégorie d’individus flasques aussi consistants qu’une pana cotta, consensuels à mort, qui « vous aiment bien tous les deux » (mais comment est-ce possible ? Et en 1942, elles auraient fait quoi, exactement, ces espèces de moules ?) et qui te laissent te démerder avec la question « lequel des deux va à la soirée ? »

Petite parenthèse concernant ce dernier cas : je préconise toujours d’aller à toutes les soirées. Votre ex finira bien par en avoir marre de voir votre trombine et votre mauvaise foi triomphante, et il restera chez lui. Les absents ayant toujours tort, vous voyez un peu le topo, veni, vidi et vici.

Par ailleurs, l’ex qui squatte votre bande d’amis (ou vous la sienne) à moyen terme, ça vire au vinaigre, parce qu’il y en a forcément un qui se recase avant l’autre, et là, si ce n’est pas toi, pour conserver ta face, bonjour. Ta dignité ne veut plus t’accompagner à aucun apéro.

L’ex de proximité peut aussi faire partie de ton environnement professionnel, car bien entendu, on a eu beau te répéter le principe de base : « no zob in job », tu l’as complètement rayé de ton cerveau quand ce beau gosse de ton travail t’avait invitée à boire un verre. Du coup tu te retrouves à la cantine Sodexho enveloppée dans des malaises cosmiques quand ton plateau heurte le sien et te voilà obligée de le saluer, ou pire, de lui demander comment il va (ce dont tu te fous de l’au-delà, et plus encore s’il va bien, s’il s’est marié et s’il a des moutards, pendant que toi, célibataire, tu es la proie du Trésor Public, qui capitalise sur ton incompétence familiale).

Le sous-groupe 2 est nettement plus confortable (c’est même la charentaise de l’ex) : l’ex aux antipodes.

Tu n’es plus obligée de te farcir sa tête d’abruti : tu ne le croises plus. Ce qui, au passage, t’évite aussi d’avoir un casier judiciaire, puisque tu l’aurais volontiers, en plus du costard, taillé en pièces. D’ailleurs, la distance raccourcit la durée de prescription, et tu peux d’ores et déjà te débarrasser de cette poupée vaudou que tu avais réalisée à son effigie, et dans laquelle tu avais planté, en plus des clous réglementaires, un pieu en bois, juste au cas où ce fumier t’aurait caché, en plus de diverses liaisons avec des femmes qui n’étaient pas toi, une nature de chauve-souris anthropophage (et pourquoi pas, un degré de nazitude comme le sien, c’est surnaturel ou j’y connais rien).

Pour cet ex aux antipodes, tu te dis, comme il est loin, je peux lui péter une raffinerie entière de sucre sur le dos, voilà un plaisir gratuit et inoffensif. Pour les ex de proximité, tu hésites un peu, puis, en situation de confiance entre amis, tu balances, ni vu ni connu, un petit secret salace redorant ton blason soit de méchante hyper drôle, si tu as envoyé balader ce gentil garçon qui ne le méritait pas, soit de fille compatissante et également hyper drôle si c’est le garçon qui t’a envoyée balader, alors que tu supportais patiemment ses insuffisances.

En définitive, tu dénigres tes ex, tu penses que ça te fait du bien. Que de les rabaisser va, par un effet naturel de levier, te remonter vers les cimes d’une désirabilité maximale. Tu te trompes. La valeur ajoutée ne provient jamais de l’accessoire. Elle est intrinsèque. Et puis, ça voudrait dire que tu t’es tapé des schmocks finis sans t’en rendre compte, ce qui fait de toi une sacrée bécasse.

Reste classe.

Au pire tu laisseras le sale boulot à ton avocat, et toi-même tu vogueras sur les eaux limpides de la distinction, sereine.

Ça t’ouvrira bien des possibilités.

Car, en plus de supprimer nombre de moments aussi inopinés qu’embarrassants dans ton quotidien, tu pourras enfin t’approprier ce judicieux conseil d’une amie à l’apéro à la question posée dans le titre de cet article : « quand t’es toute seule, tu fais ton répertoire. » 

Cher ami lecteur du weekend, échange donc un peu ta langue de pute contre une langue de boeuf, et tu seras peut-être un peu plus gros, mais surtout, beaucoup plus sympa, et tu verras, tu t’éloigneras de cette personne aigrie et bilieuse que tu commençais à devenir à force de lire le courrier de ton Centre d’Impôts, et les gens t’aimeront davantage ! A la semaine prochaine !

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