Je sais bien que l’été n’est pas encore fini, mais des fois que je change d’avis en voyant cette très jolie bourse brodée hiver 2016 Vanessa Bruno, je voudrais que tu enregistres fermement ma commande afin que je ne puisse plus revenir dessus même si un pull Zadig et Voltaire me fait de l’oeil.
En effet, j’exécute dans mon quotidien des tâches ô combien risquées : je marche dans la rue, je me rends parfois à Paris en train.
Bon, c’est vrai, en général, je prends le TGV, pas le Thalys (quelle misère, tu meurs autant d’ennui, mais l’agonie est dix fois plus longue). Mais quand même. Maintenant, ce n’est plus d’ennui que tu meurs, tu peux te prendre une ou plusieurs balles dans l’abdomen comme qui rigole, entre ton sandwich dégueulasse à 8 euros, et ton café infâme à 5, accompagné de sa pâtisserie industrielle, au moins aussi terrifiante que l’islamiste radical qui pointe son colt 45 vintage sur toi.
Car il n’y aura pas toujours ces 4 Captain America dans ta rame, prêts à braver la mort pour te sauver, toi et les 500 autres passagers du train, comme dans le Paris-Arras d’hier. N’exige pas non plus le synopsis auprès du service réclamations de la SNCF, tu n’es pas dans un film de Jason Statham, avec des cascadeurs et du placement de produits. Même s’il n’y avait pas eu de rôle distribué aux américains lors de la fusillade du 7 janvier, Barack Obama n’a pas mis ses scénaristes à contribution, pour faire une suite avec 4 de ses héros militaires (l’agent de Bradley Cooper était pourtant sur le coup). Non, dans ton train français, il n’y avait que Jean-Hugues Anglade qui avait passé le casting.
Alors toi, petit passager lambda, tu aimerais bien éviter toutes ces superproductions de films d’action à la noix, tu aimerais bien prendre ton train sans te faire dézinguer ni prendre un abonnement chez le psy pour gérer le post trauma. Tu te demandes aussi raisonnablement comment un gars équipé d’un « armement lourd » a pu monter tranquille avec toi, parce qu’une Kalachnikov, ça ne se cache pas dans un slip, ni dans une poche intérieure zippée. Tu te souviens alors que toi, on t’avait regardée de façon suspicieuse parce que tu avais un coupe-ongle dans le sac (ah non, ça c’était à l’embarquement dans l’avion, quand tu avais enlevé ta ceinture, tes 3 bracelets, ta montre, tes clés et tes bottines à chaîne, et que tu continuais à biper comme si tu étais hyper-louche). Et puis, quand tu apprends que l’équipe du Thalys s’est enfermée dans la motrice, tu te dis que finalement, tout est normal, c’est toi qui es conne de penser qu’une entreprise de service public puisse tenir compte de toi, tu sais bien que tes impôts ne servent pas à cela.
En plus, si tu as survécu à la fusillade, tu n’es en revanche pas sûre de survivre à la récupération du bordel par le Front National, avec Marine qui ne va pas manquer de te rappeler, petite aryenne blonde aux yeux bleus que tu es, à quel point tu es la cible d’attaques terroristes barbares, il est beau mon poisson, il est beau, viens voter pour lui, et toi c’est justement là au milieu de toute cette haine que tu es vraiment terrorisée.
C’est pourquoi, cher Père Noël, car je souhaite continuer longtemps à prendre mon TGV, sans que ma cervelle ne saute, je te demande cette année un gilet pare-balles, pour commencer à améliorer ma sécurité. Je n’ai pas envie de rester chez moi, à faire mes courses sur Internet et à parler à un écran. Et s’il te plaît, prends-moi une taille XS. Et peut-être que tu trouveras un petit modèle sympa, dans une collection éphémère, dessiné par Rick Owens, Victor & Rolf ou Stella McCartney. Comme ça, la prochaine fois qu’un gars fera un braquage dans un train (ça ne s’invente pas non plus, il aurait témoigné être armé pour ça), puisque, c’est bien connu, la SNCF transporte des lingots d’or et des millionnaires (probablement attirés eux aussi par la prestation unique du wagon restaurant), je serai, moi aussi prête pour mon quart d’heure de gloire, avec mon gilet griffé, et s’il ne vise pas la tête, je pourrais même sourire à la caméra de BFM TV.
Et pour plus de prudence l’année prochaine, je te demanderai un casque assorti.
Sur ce, cher Père Noël, et amis lecteurs du weekend, je te salue, fière de n’avoir fait aucun jeu de mot pourri sur les rails de la SNCF ou autres. Et ça, c’est vraiment un exploit.