Votez pour ma terrasse

A la veille des fêtes et entre deux attentats, juste avant de racler mes fonds de poche pour acheter des cadeaux avec les misérables piécettes que le fisc m’a généreusement laissées, j’ai voté dimanche dernier pour que rien ne change, ce qui est particulièrement flippant, mais encore plus quand on regarde l’alternative proposée.

Pour faire barrage au FN, de nombreux candidats ont appelé à voter pour l’opposition, voire renoncé à se présenter. C’est beau, l’union fait la force, etc. Mais concrètement, ça veut dire quoi : que les convictions et les programmes peuvent être interchangeables, selon le cas. On se croirait dans la pub Volkswagen avec la couleur « blouge ». On est face à la « droiche » ou la « gaute ». Que quelqu’un rappelle l’architecte, il faut repenser la configuration de l’hémicycle.

Et d’ailleurs, savez-vous vraiment pour qui et quoi vous votez ?

Personnellement, je suis allée voter aux deux tours, par principe, parce que c’est un droit inaliénable, c’est à moi. Au premier tour dans l’isoloir, c’était retour vers le futur : je me suis sentie aussi stupide que devant un QCM de physique quantique en terminale. Je ne savais pas quoi mettre dans l’enveloppe. Je ne me pensais pourtant pas plus bête qu’une autre, jusque-là. Je regarde les infos et les candidats s’exprimer. Mais globalement, un discours politique est en bois et ne parle de rien.

Je suis allée lire les diverses propositions des candidats, qui sont aussi floues que les photos de David Hamilton dans les années 70, mais beaucoup plus ennuyeuses. Ça doit d’ailleurs être fait exprès, pour ne pas que tu votes pour des idées mais pour une personne.

Alors voyons un peu ces gens qui se présentent : Claude Bartolone, par exemple, candidat malheureux en Île-de-France qui remet son mandat de président de l’Assemblée en jeu en cas de défaite, mais pas en démissionnant, mais en le « remettant à la disposition du président du groupe socialiste ». Sans déconner, si un jour je passe aux assises, je demanderai à mon cousin et à ma meilleure amie d’être les jurés, tant qu’à faire.

Donc en gros, un peu comme chaque semaine, en voilà un de plus qui me prend pour une volaille.

Et moi, quand on me prend pour une pintade, j’ai envie d’en savoir plus. Mon ami Google me parle alors de l’affaire de la terrasse de ce monsieur, de la probable collusion avec l’architecte, et du cahier des charges magique concernant la terrasse, à savoir, que la façade fasse pauvre. Que ce monsieur ait une jolie maison, grand bien lui fasse. Mais qu’il refuse de jouer le jeu de la transparence patrimoniale (souvenez-vous, son opposition à l’obligation de publication du patrimoine, merci Jérôme Cahuzac), ça rend tout de suite suspect.

En effet, ces mêmes personnes vont par la suite m’expliquer comment je dois me serrer la ceinture et augmenter mes impôts.

Et je me dis : la sphère politique a perdu la tête, et le pire, c’est qu’elle n’en a même pas honte, du moment qu’elle ne fait pas la une. Ce n’est pas une spécialité de gauche, cela dit, le très honnête Copé, qui rappelons-le, s’est même vu offrir des prestations de son mariage par des clients de Bygmalion, en plus du reste, et qui après avoir vomi le germano-pratinisme, y vit désormais (y a que les volailles qui ne changent pas d’avis). Vive la droiche.

Est-il normal de raconter n’importe quoi aux journalistes et par conséquent, au public ?

Il semblerait que oui, et mettre les bras jusqu’au coude dans le pot de confiture aussi.

La députée Sylvie Andrieux, condamnée pour détournement de fonds publics, continue de voter des lois : elle garde le cul bien vissé sur son siège, malgré une peine d’un an ferme de prison et 5 ans d’inégibilité. Et pour cause : elle vote tout le temps et en faveur du gouvernement…

Que dire alors du secrétaire d’Etat « pop-up », Thomas Thévenoud, atteint de « phobie administrative », certes lui exclu, mais jamais poursuivi en justice ?

Que se passerait-il si moi, contribuable lambda, je ne payais pas mes impôts ou si je détournais des fonds publics ?

Je ne bénéficierais certes pas de tels passe-droits.

Mais la vie est injuste.

Heureusement, de jolies mesures sont à l’étude, comme celle de Michel Sapin, visant à rémunérer les délations fiscales. Comme quoi, la classe politique essaie de rendre ses électeurs aussi moches qu’elle.

Car assurément, les dénoncés de l’hémisphère ne seront jamais inquiétés.

Alors quel est le pouvoir de mon bulletin de vote ?

Comment dois-je voter ?

Je m’en vais répertorier les divers scandales et demander un extrait de casier judiciaire : je pense que cela réduira considérablement mes choix.

Et encore : je finirai probablement par ne plus voter que blanc, car attendre un politique honnête, c’est un peu comme attendre le prince charmant ou le père Noël : on sait tous que cela n’existe pas.

Je m’en retourne donc à mon austérité, et à ma terrasse à moi, qui n’a certes pas la même gueule que celle du président de l’Assemblée, mais au moins, le cul qui s’y pose n’a rien à se reprocher.

Et ça, ça n’a pas de prix, ami lecteur ! A la semaine prochaine !!!

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