Let’s Talk About Sex

Deux discussions de comptoir m’ont récemment informée que :

  • à force de critiquer tout le temps, le masque de l’auteur aigri me guette ;
  • je manquais de bienveillance, spécialement dans l’observation de mes contemporains.

Certes.

Je pourrais discuter de la pertinence de ces commentaires avinés, mais en tant que défenderesse de l’empathie et de l’écoute, je me dois de prendre en compte les suggestions de mon sympathique lectorat.

J’ai donc choisi un sujet bienveillant et joyeux : le sexe.

Voilà qui va intéresser tout le monde (sauf peut-être mon ancienne voisine de Pigalle, asphalteuse, qui n’aura pas forcément envie de parler boutique sur ses temps de pause).

Le sujet est vaste, mais ouf ! Ifop est là pour interroger tout un tas de gens sur la question.

A savoir que 26% des personnes interrogées ont moins d’un rapport par semaine.

Comprends bien ce chiffre, ami lecteur : imagine une semaine, du lundi au dimanche, sept journées entières plus sept nuits entières, sans aucune activité sexuelle partagée, et ce pour plus d’un quart des personnes interrogées : la lose (ou peut-être un quart des personnes interrogées l’ont-elles été dans une maison de retraite ou un monastère ??).

Pourtant, tu te dis : le chômage étant en hausse (3, 85 millions en février 2016), logiquement, voilà une activité gratuite que tu peux pratiquer n’importe quand puisque tu ne travailles pas. Hé bien, ça ne fonctionne visiblement pas comme ça, puisqu’il semble que les électeurs de Jean-Luc Mélenchon sont ceux sont les moins satisfaits sexuellement (31%), et chacun sait que ce ne sont pas les chirurgiens ni les chefs d’entreprise qui votent pour lui.

Donc : plus tu es pauvre, moins tu bosses et moins tu baises.

La chair sans salaire est triste.

Alors, tu peux toujours t’inscrire sur Tinder, l’appli des coups d’un soir.

Pas besoin qu’on sache quoi que ce soit de la merveilleuse personne que tu es, ce dont tout le monde se fout il faut bien le dire, on te demande juste que ta turbine soit bien visible.

Sauf que, passé une certaine fraîcheur (située quelque part au-delà de 30 ans), ça a un côté assez pathétique (pour preuve, qui s’en vante ?), et pas vraiment attrayant. D’autant plus que désormais les jeunes maîtrisent et reproduisent les codes et contorsions véhiculées par Youporn, le romantisme n’étant plus désormais décliné que dans les salles de concerts classiques. Range ta spontanéité, nous sommes désormais à l’ère technique.

Ta prochaine partie de jambes en l’air est géollocalisable : plus besoin de payer un resto ni même un verre, alors parler à quoi bon : tu as Facebook et Twitter pour faire tes bons mots.

Le truc, c’est que tu ne veux surtout pas faire partie des 24% qui ne baisent pas du tout (encore une fois, qui donc a été interrogé ???) : et quoi de plus compliqué (monter un meuble IKEA ?) que de rencontrer quelqu’un de nos jours pour vivre une vraie relation ? Rassure-toi : un profil avec une bonne petite photo bien avantageuse suffira à te sauver de la lose.

Mais alors, ta vie sexuelle ne dépendrait-elle plus que de ton efficacité à te prendre le meilleur selfie ? Utilise vite ton CPF pour faire une formation multimédia spécialisée dans la prise d’image et son amélioration, et remercie l’Etat pour cette gentille loi sur la formation professionnelle qui va te permettre de choper plus souvent.

Mais ça ne résout qu’en partie ces chiffres dramatiques, à savoir que 24+26=50% ont moins d’un rapport par semaine, voire aucun, aucun, (non, non, ne crie pas ami lecteur). Comment faire en sorte que le sexe redevienne un sujet sympa et ludique, et pas un objectif à remplir sous peine d’être définitivement hors du circuit social ? Surtout que, preuve que les sondages ont une fiabilité discutable, 74% des personnes interrogées se disent satisfaites de leur vie sexuelle… A moins d’un rapport par semaine, tu peux donc conclure que 50% du panel a menti à un moment ou à un autre.

Alors il te reste bien la solution de suivre les chiffres et de déménager dans le sud en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon pour avoir la satisfaction de pratiquer davantage fellations et cunnilingus… où se situent par ailleurs, les plus forts taux de chômage (15,4% de la population des Pyrénées-Orientales). Comme quoi, baiser et sucer sont deux activités hautement distinctes, il ne faudrait vraiment pas confondre.

Tu pourrais aussi poser un acte révolutionnaire et éteindre tablette et smartphone pour aller à la rencontre des gens et t’intéresser à eux, mais ça, c’est une autre histoire.

Ce que j’aimerais vraiment que tu notes, c’est ma volonté à vouloir écrire un article bienveillant : ce n’est pas faute d’avoir essayé. Alors promis la prochaine fois, je prendrai un vrai sujet 100% aimons-nous les uns les autres, la planète, les animaux et les plantes : je te parlerai de Pierre Rahbi.

Alors souviens-toi que tu n’es pas un chiffre, ami lecteur, et à la semaine prochaine !