C’est une des questions que je me suis posée vendredi dernier, dans un bar à l’apéro, parce qu’à l’apéro, le temps n’est pas aux questions ontologiques.
Il faut dire que Robe Blanche elle en envoyait, des watts.
C’était difficile de nier son existence, ni même de ne pas lui prêter attention : ondulations et trémoussages horizontaux, verticaux, en diagonale même. Jets de cheveux longs dans le périmètre, agitation de bras : si je ne l’avais pas remarquée, c’est que subitement la cataracte m’aurait frappée entre deux verres de rosé piscine.
Evidemment, Robe Blanche ne faisait pas tout ça pour rien.
Robe Blanche avait jeté son dévolu sur Tee-Shirt Gris, que je n’aurais sans doute même pas aperçu s’il n’avait été la cible plus ou moins consentante de Robe Blanche.
Au-delà de la nécessité d’avoir un air que l’on suppose hyper cool (selon des critères discutables à l’infini) dans un lieu de rencontres sociales, toute l’agitation de miss Robe Blanche semblait à première vue, au moins bien fatigante, mais surtout contre-productive.
Si elle visait Tee-Shirt Gris, il avait l’air mal à l’aise.
Si elle visait un autre gars, dans un périmètre proche, ils buvaient tous un verre sans la regarder, c’était donc un fiasco.
Pourtant, elle n’était ni vieille, ni moche, ni mal foutue, Robe Blanche. C’est juste qu’elle a fait une campagne de comm répulsive. Ma compassion naturelle me dicte ces quelques conseils bienveillants pour que toutes les Robes Blanches des vendredi soir ne cumulent plus tous ces faux-pas.
Tout d’abord, le déshinibateur universel, l’alcool, est un faux-ami. Contrairement à l’idée reçue que tu en as, il ne te met pas du tout en valeur, mais te fait gesticuler toujours plus fort, chanter plus faux, ton regard et ta parole partent se coucher en même temps que ta dignité, ton haleine devient approximative (c’est-à-dire, proche de l’équidé). Bois le verre du courage si tu veux, mais restes-en là. Si un deuxième verre t’es absolument nécessaire, alors prends un Get 27, au moins tu resteras classe quand la police te demandera tes papiers sur le trajet du retour.
Oublie les robes moulantes, courtes et décolletées à la fois : c’est un triple message sur le même sujet, à n’utiliser qu’avec parcimonie dans le cadre d’une attitude minimaliste et fatale, un coude nonchalamment appuyé au bar. Sinon : à bannir. Tout comme de porter en même temps des bracelets à un bras et une montre à l’autre, ou un énorme collier et des grosses boucles d’oreilles : c’est la gastro visuelle assurée.
Si tu as besoin d’un amplificateur d’exubérance (alcool, drogue, sac Yves Saint Laurent) alors, de deux choses l’une : soit tu es mal dans ta peau, alors évite les psychotropes, ça va se voir encore plus ; soit tu n’es pas exubérante, et là tu peux être miss monde, t’as quand même l’air d’une dinde, comme toujours quand tu fais des choses qui ne te correspondent pas. Regarde, même Jeff Tuche a compris que dans la vie tu as tout à gagner si tu es toi-même (sauf si tu es toute noire à l’intérieur, mais bon, ce n’est pas l’objet du débat).
Je ne saurais donc trop te recommander un peu de sobriété à tous les étages : un regard, s’il n’est pas injecté de sang mais de sensualité et de promesses, peut être bien plus efficace que toutes les ondulations les plus cosmiques que tu pourras imaginer (surtout si ton copain le rythme est parti dans un autre bar), et si d’aventure, tu l’accompagnes d’un joli sourire, gageons que pour un effort minimum, tu obtiendras bien plus qu’avec tout le mal que tu t’es donné dans ce débit de boissons branchouille.
Alors c’est sûr, Robe Blanche est à mille lieues de la loi Travail, elle ne se demande pas sur qui va peser l’augmentation des consultations généralistes par l’Assurance Maladie, elle s’en tamponne que Macron paie ou pas l’ISF : aujourd’hui elle a mis tous ses atouts en vitrine, oubliant le principe du mystère incitatif et de la promesse alléchante de découverte.
C’est peut-être ça aussi son problème : tellement centrée sur sa personne, qu’elle en a perdu la mesure des proportions.
C’est pourquoi, ami lecteur, je réfléchirais désormais à deux fois si j’étais toi avant de prendre ce 3e verre qui tue ta dignité, avant de t’habiller pour envoyer le mauvais message, et tu pourras comme ça te préoccuper de choses autrement plus profondes et gratifiantes !
A la semaine prochaine !
Je glousse..