Parce que j’aime vivre dangereusement, je suis partie passer des vacances à Paris en pleine période de soldes : les pintades bobos en quête de la bonne bottine à la bonne pointure font bien plus peur que Daesh, croyez-moi.
Je suis venue à Paris en train.
J’ai ensuite pris le métro.
Surtout la ligne 1, qui a ça d’intéressant que tu peux regarder les gens d’un bout à l’autre de la rame. Et là j’ai été frappée par une évidence : 1 personne sur 2 est scotchée sur son portable. (Parfois c’est moi, c’est dire). Un truc de dingue : soit ils pianotent comme si leur vie en dépendait, soit ils ont un casque vissé sur les oreilles et ils ferment les yeux.
Bref, ils sont ouverts sur le monde.
JE suis ouverte sur le monde, en consultant dix fois par jour le nombre de likes de ma dernière photos instagram partagée sur Facebook. Pire : comme tout le monde, je prends tout le temps la même photo, un selfie de groupe avec mes amis ou une photo des verres qu’on vient de se servir, d’une importance artistique ô combien supérieure aux passionnantes photos du plat qu’on va manger que j’exècre. Bon, c’est un peu Apple qui se fout de Microsoft (…je crois que je vais plancher sur une autre comparaison…)
Suis-je prête à lâcher mon portable deux secondes (minutes, heures) ?
Que vais-je louper si je le fais ?
Techniquement, euh rien. En 1998, je n’avais même pas de portable, on se donnait rendez-vous via un téléphone fixe de la taille d’une boîte à chaussures, et on avait intérêt à être à l’heure, sinon un des deux poireautait comme un crevard. Dans les transports en communs, on lisait des livres ou des magazines.
Désormais, je fais défiler (sauf exception) des photos aussi formidables d’originalité que les miennes, et culturellement, je ne prends aucun point.
Si un mec pas mal s’est assis à côté de moi, je ne l’ai pas remarqué, occupée que j’étais à liker pour que des amis et des inconnus me likent en retour. Je pose même mon téléphone sur le bureau de ma banquière, juste à côté de sa tablette à elle. Au restaurant, le serveur prend la commande sur un Ipad, lui aussi.
Et si d’aventure je n’ai pas de réseau, j’ai l’impression que ma vie est en suspens.
Cependant, ma vacuité profite quand même à quelqu’un : à chaque seconde, Facebook rapporte à son créateur entre 300 et 400 €, soit près d’un milliard par trimestre, grâce à ses 1,39 milliards d’utilisateurs dont 890 millions sont actifs quotidiennement, quand on sait qu’en France on n’est « que » 66 millions, ça fait peur.
Heureusement, en 2015, 12 personnes sont décédées en prenant un selfie, contre 8 dans une attaque de requin (et oui, il y en a qui font des enquêtes de malades) : selfie pris en moto en roulant (et paf le chien), chutes de ponts, carbonisation sur le toit d’un train, et, le meilleur, fracassage de crâne contre la cuvette des toilettes pour avoir tenté de prendre un selfie accroché à la porte déguisé en Bob l’Eponge (un esprit aussi créatif, quelle perte majeure pour l’humanité), bref, 12 demeurés de moins (paix à leurs âmes) pour nous rappeler que seuls avec nos petites boîtes virtuelles, nous devenons épais comme des briques, cons comme des poules qui ont trouvé un clou.
Alors, comme j’en ai assez de cliquer et surtout, de louper les beaux gosses dans les transports en commun, je m’en vais passer des vacances à Green Bank, petite ville des Etats-Unis (West Virginia), où les objets connectés sont illégaux, pour me mettre au vert de mon IPhone et de ses mises à jours hebdomadaires. Je pourrai alors remercier le télescope du monde de me permettre de vivre une parenthèse sans wi-fi, sans portable ni four à micro-ondes, pas même de portail télécommandé. Et je pourrai aller voir les gens chez eux pour leur demander comment ils vont en les regardant droit dans les yeux. Parce qu’une chose est sûre : l’apéro sur Facebook, c’est aussi sordide qu’un Bolino au dîner.
A ton tour, ami lecteur, relève le défi, libère-toi et mets-toi en mode nuit même le jour, sors de chez toi et pars trinquer quelque part avec des amis : ça te rendra plus heureux que de cliquer avec personne. Et surtout, jette ta perche à selfie. Tu auras l’air plus intelligent. Et ça, c’est déjà quelque chose.
A la semaine prochaine !
Super ! Très drôle ! Tout toi ! Bisous. PS : je regarde cet Après-midi le film d’Iva : maintenant que j’ai le code ???? Bisous
Emmanuelle Millet Envoyé de mon iPhone
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