A partir du lundi 30 novembre 2015, nous voilà tous concernés par l’avenir de notre planète : la COP 21 démarre, avec 150 pays membres des Nations-Unies présents au Bourget pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et sauver les ours polaires.
Quinze jours de branlette annoncée déjà le 12 novembre dernier par John Kerry qui prévient que « il n’y aura pas d’objectifs de réduction des émissions juridiquement contraignants, comme cela avait été le cas à Kyoto ».
Bon ben, rentrez chez vous alors, ça coûtera moins cher au contribuable, même si ça n’allègera pas les émissions de kérosène balancées par tous les avions qui ont véhiculé ces aimables chefs d’Etat conviés à ce petit raout touristique à Paris.
Parce que, concrètement, que va-t-il se passer ?
L’Inde et l’Arabie Saoudite, gros producteurs de fleurs et d’air frais, ne veulent en amont pas entendre parler de révision des engagements.
La Pologne et son charbon plus blanc que blanc menace de quitter l’Europe si on lui fait baisser sa production. Et que dire du Brésil, de la Chine, et d’un paquet de pays émergents.
Donc, nous allons être saturés pendant quinze jours dans les médias de beaux discours à en croire à nouveau au Père Noël, ce qui tombe bien, c’est la période, mais qui nous rappelleront surtout, qu’à Noël il y a aussi une dinde, puisqu’aucune sanction dissuasive ne sera appliquée.
Essaie voir, fais un test. Propose à tes concitoyens de se garer correctement et de payer leur parcmètre, tout en spécifiant que s’ils ne le font pas, ils ne seront pas verbalisés, et tu verras ton efficacité : les parcmètres seront vides et les gens garés sur les trottoirs, devant les garages et sur des lignes jaunes. Essaie, je te dis, même une heure, et tu sauras vraiment ce que le mot bordel signifie. D’ailleurs, regarde bien, sur le passage piéton j’ai garé ma voiture.
Donc, c’est officiel, rien ne va se passer concernant le réchauffement de la planète et les ours n’ont qu’à envisager une mutation vers une pelade type le Sphinx, ce très vilain chat sans poils qui a tout compris. C’est sûr, le marché de la peluche devra être repensé, mais c’est bien peu de chose face à une espèce en voie de disparition. On pourra même peut-être créer quelques emplois.
Ce qui n’a pas disparu en revanche, et voilà tout l’intérêt de la COP 21, c’est son très haut potentiel de communication.
Obama dépose une rose devant le Bataclan.
Hollande demande un « accord contraignant » dans un beau discours en bois (et le bois, c’est écolo).
La fréquentation des palaces remonte de 77% par rapport à l’année précédente.
L’impact n’a donc rien à voir avec la fonte des glaces : non, on t’interdit juste, si tu es parisien, de faire quelques petits trucs (mais c’est pour ton bien) :
- tu n’as pas le droit de prendre ta voiture ni le métro (donc tu ne peux pas travailler, ce qui est plutôt cool) ;
- tu n’as pas le droit, par arrêté préfectoral, d’aller t’acheter des combustibles domestiques ni des feux d’artifices durant toute la durée de la conférence climat. Ça c’est sûr que tu vas être très ennuyé de reporter ton spectacle pyrotechnique. Pour ton poêle à pétrole, si tu n’as pas fait de réserves, hé bien tu te diras que le froid stimule les tissus, parce qu’avec ton nouveau détecteur de fumée, tu ne pourras même pas brûler une petite table basse sans attirer l’attention. Ce qui est d’autant plus dommage que tu n’as pas pu aller travailler, et donc tu vas te peler chez toi sans chauffage, acte écolo ultime.
Au-delà de ces petites conséquences, nous faisons tous semblant d’être concernés. Peut-être même croyons nous, pendant quelques instants, que nous le sommes vraiment.
Mais, dans ton quotidien, que vas-tu donc faire ?
Tu peux toujours trier tes ordures, mais quand tu entends la gentille madame employée de l’Etat à la déchetterie, « de toute façon, si dans la poubelle vidée, il y a un objet non recyclable qui s’est glissé, tout le lot repasse en déchets ménagers. » Sachant qu’il n’existe aucune liste ou façon précise de différencier le gentil plastique recyclable du méchant qui ne l’est pas, tu peux toujours trier mais une seule petite erreur et tu t’es pris la tête pour rien.
Ah si : tout le papier et le carton sont recyclables, s’ils sont propres. Là, tu ne fais pas de boulette. Le Voici, il va bien dans la poubelle jaune, et servira à fabriquer des quotidiens plus sérieux (que tu n’achètes pas).
Tu aimerais bien faire du compost avec tes déchets végétaux, sauf que tu vis en appartement et c’est un peu compliqué.
Il n’est pas question bien entendu, que tu chauffes moins ou que tu utilises moins ta tablette, ta télé ou ton ordi. Ni que tu prennes moins ta voiture : aller bosser en plein hiver à vélo, même avec cette alléchante prime de 25 centimes d’euro par kilomètre qui se profile au loin, et te taper la tramontane : même pas en rêve.
Tu n’as jamais eu non plus l’intention de consommer moins, ton seul frein c’est la limite de ton porte-monnaie, et certainement pas le déclin de la planète, qui bien courtoisement, ne mourra pas de ton vivant.
Mais avec toute cette campagne de COP 21, par moments, tu culpabilises.
Tu te demandes, dans un élan de bonne volonté, ce que tu pourrais vraiment faire.
Et puis ton regard se pose sur ta voiture, un immonde diesel, la honte est sur toi. Tu fais alors une tentative pour budgétiser l’achat d’une voiture moins nocive pour l’environnement.
Et tu sais très bien qu’il te sera impossible de caser quelque part un crédit supplémentaire, car tout ton extra cash est parti dans tes impôts divers, ainsi que dans l’augmentation annuelle que t’impose ta supérette au début de chaque été à l’arrivée des touristes, et qui perdure à la rentrée, pendant que ton salaire, lui, refuse de se mouvoir à la hausse.
Ça fait bien longtemps que tu as renoncé aux vacances, aux travaux pour refaire ta salle de bains, que tu roules dans ta rougne polluante. Au fur et à mesure des semaines, tu augmentes la durée entre deux apéros, parce que le prix des tapas augmente aussi.
Et tu dis que les belles idées elles aussi, comme les sacs, sont devenues trop chères pour toi. Tu te dis qu’être écolo, c’est devenu un luxe.
Alors pour te donner bonne conscience, tu vas continuer à jeter tes bouteilles de lait vides dans la poubelle jaune, pendant que l’Etat, qui accueille toutes ces jolies conférences écologiques, négocie en scred un accord ultra-libéral, le Trade in Services Agreement, afin de « limiter les distorsions de marché et les barrières à compétition » notamment des «entreprises nationales du secteur de l’énergie ».
Alors, ami lecteur, tu peux toujours mettre ton plastique dans la bonne poubelle et aller travailler à pied : tu ne feras jamais le poids contre le profit de l’entreprise qui t’emploie.
La dinde de Noël n’est pas qu’une spécialité de fin décembre : elle est là, toute l’année, dans tous les foyers français : c’est toi, moi, nous, qui croyons encore que notre droit de vote sert à quelque chose.
Quel dommage que la bile ne soit pas recyclable, car avec ce que je m’indigne chaque semaine, je pourrais alimenter trois déchetteries. Promis, la semaine prochaine, j’essaie de trouver un sujet où je m’énerverai moins : la hausse du SMIC par exemple, +0,55%, ce qui te fera gagner la coquette somme de 9,67 € brut de l’heure, soit 1457,52 € pour un temps plein, soit toujours moins de 1200 € net à dépenser. Avec tes 6 centimes d’euro brut de l’heure supplémentaires (environ 4 centimes net), c’est sûr, tu vas faire repartir la croissance à toi tout seul.
Sur cette réjouissante perspective, ami lecteur, je te souhaite une belle semaine !