Cher ami lecteur, tu ne le sais peut-être pas, mais une de mes principales activités de loisir consiste à voir des films, encore et encore.
Alors tu te dis que je devrais être contente, le Festival de Cannes, le plus important festival du monde est initié en France et vient de se terminer.
Le palmarès de cette année sonne mieux qu’une pharmacie remplie de Lexomil. Quand tu visionnes les bandes annonces de la plupart des films qui y sont projetés, l’idée de les voir te séduit autant que de te jeter sous un train.
Alors, si je me réjouis que la France soit une patrie de cinéma, je m’interroge : pourquoi faut-il que, en France, l’art et la culture soient aussi assommants ?
Se faire raser pour avoir l’air intelligent, est-ce une fatalité ?
C’est sûr, hier Ken Loach nous a gratifiés d’un discours qui mériterait un article à lui tout seul. Son cinéma engagé, s’il n’est ni funky, ni distrayant, et encore moins innovant, a au moins le mérite d’interpeler. Palmons-le alors, c’est chouette, le jury payé des millions pour chacun de leurs films est heureux de vous faire prendre conscience que vous devriez vous bouger le cul pour faire changer les choses.
Mais alors si les choix sont politiques, quelle est la place de l’art dans ce type de manifestation ?
La critique elle-même, qui pourtant aime bien s’emmerder devant un film, surtout s’il est étranger et joué par des inconnus authentiques (ou d’authentiques inconnus, la célébrité, c’est tellement plébéien) n’a pas été emballée par « Le Client » d’Asghar Farhadi, pourtant présent deux fois au palmarès. C’est à se demander si les membres du jury ne reçoivent pas une feuille de route des relations internationales de la France avec les pays en compétition pour les guider dans leurs choix…
A l’opposé, de nombreux blogs de cinéma et le public cannois se sont enthousiasmés pour « Toni Erdemann » de Maren Ade. Les avis sont unanimes. Et où donc se trouve le film ? Assurément pas dans le palmarès, qui a décidément du mal à appliquer l’égalité hommes-femmes (une seule femme récompensée un jour lointain d’une année lointaine, Jane Campion).
Et quand je regarde, moi, spectatrice lambda, la liste des films en compétition, je suis à peu près sûre de ne retrouver aucun des films que j’aurais envie d’aller voir dans la liste des primés.
Suis-je donc une ignare ? Une personne qui ne comprend rien à la profondeur des messages, insensible, qui s’endort à la vue des 4 clés de Télérama ?
Faut-il être soporifique pour être crédible, en témoigne la réunion annuelle super mortelle de remise des Césars ?
Peut-être pas.
Si le cinéma français préfère se prendre le chou, l’art pictural préfère se payer ouvertement ta tête. En janvier dernier, mue par un besoin culturel de masse, je suis allée voir l’expo Warhol au MAM à Paris, où j’ai regardé des plans fixes interminables de proches de l’artiste, où je me suis pris des ballons argentés géants dans la tronche, où j’ai failli me jeter à travers un écran où était projeté « Empire », film interminable de l’artiste, consistant en un plan fixe d’une image dégueulasse en noir et blanc de l’Empire State Building pendant près de huit heures depuis le coucher du soleil jusqu’au noir complet.
Alors face à ce choix cornélien – me faire suer jusqu’aux confins d’une vie où j’aurais les pieds dans des baskets respectables et présentables en soirées sur carton, ou rejoindre un troupeau de chèvres prolétariennes déconsidérées mais hilares – je me demande quelle est mon alternative.
Et comme je n’ai aucune envie de me taper des films allemands où l’action défile au ralenti, d’autant que je ne me suis pas encore remise du visionnage de « Knight of Cups » de Terrence Malick (Christian Bale en dépression alors qu’il se tape Nathalie Portman, Isabel Lucas et Freida Pinto, deux heures de voix-off avec des phrases du genre « où tout ça nous mène? » : je vais te le dire, au bar avec une bouteille de gin et du Xanax), je m’en vais faire une croix sur mes ambitions d’avoir un jour un air intelligent.
Parce que ce n’est pas grave.
Je vivrai Cannes à travers les bandes-annonces, et les Césars à travers le résumé du journal de la nuit. Ce sera suffisant : pioncer, on y consacre assez de temps dans une vie pour ne pas le faire au cinéma.
Alors ami lecteur, cette semaine, ris, sors des vannes, divertis-toi, regarde des films qui te font plaisir, et surtout, ne rejoins pas les snobs : ce sont des gens qui se font chier.
A la semaine prochaine !!!
Excellent! D’ailleurs, je me demandais si j’étais la seule à considérer que les 4 clés de télérama rimaient souvent avec le mot »chiant à mourir » . Je me sens soulagée à la lecture de ton article.
Excellent !!!! Je pense la même chose mais n aurais su l exprimer aussi bien !