A une heure où même Leonardo Di Caprio préfère parler de la planète en décrépitude plutôt que de se faire mousser pour avoir décroché l’Oscar – ce qui, soit dit en passant, est une autre façon de se faire mousser – il est fort intéressant de voir ce que nous faisons de nos invendus.
Enfin, concernant les invendus de prêt à porter, internet les outlets sont là, non là, je parlais de ces sapes à prix absurdes que tu ne porteras jamais et devant lesquelles tu baves chaque semaine en lisant ton Elle, tout en trouvant que payer une chemise le prix d’un loyer, c’est obscène.
Hé bien, il y a encore plus obscène que des robes à 3100 € (robe Eperon d’Or, Hermès, 2016, imprimé même pas époustouflant) : si, si, c’est possible. C’est ce que devient cette robe si (et c’est probable) personne ne l’achète. Alors elle ne part pas sur Showroom privé ni Vente Privée ou Bazar Chic ; trop vulgaire. Elle n’est pas soldée : car Hermès, comme Vuitton, comme d’autres, ne solde pas. Hermès vend du rêve.
Non, trêve de plaisanterie, la vraie raison, c’est Abercrombie qui la donne : il ne faut pas « laisser penser que n’importe qui, une personne pauvre » peut porter les vêtements de la marque. Donc, ces marques qui te font rêver, en fait, elles ne veulent pas de toi. Alors, comme il est hors de question qu’elles se retrouvent un jour sur ton dos plébéien, elles ne revendent pas leurs stocks, non, non.
Après les avoir en partie refourgués à leurs salariés, elles brûlent ce qui reste.
Oui, oui, oui.
La robe à 3000 : un petit tas de cendres.
Le pardessus en cachemire à 4300 : retourné à la poussière.
La veste (super moche) à broderies amérindiennes à 9000 : pulvérisée par les flammes.
Pendant ce temps, toi, dans ta vie, non seulement, tu n’es pas jugée digne de porter ces créations « haut de gamme » (par le prix surtout), mais tu peux retourner à ta seule utilité, payer tes taxes et acheter tes sapes chez Zara ou H&M, c’est bien à la mesure de ton insignifiance. Et comme tu n’es vraiment rien, tu ne vas certainement pas t’indigner de ce gaspillage honteux quand la crise économique te prive chaque jour d’un peu plus de ton pouvoir d’achat, que certains n’ont même pas de quoi se vêtir correctement, tu ne vas non plus te mettre la rate au court-bouillon parce que la mort lente de la planète incite aux changements de comportements, à recycler, consommer moins, donner une seconde vie aux choses, même aux merdes moches hors de prix.
Non, surtout pas.
Car tout cela est fait bien discrètement, quelque part dans une banlieue obscure.
Alors c’est bien la peine d’aller faire les kékés à la COP21, de faire campagne pour une planète propre, pour les ours polaires, pour la forêt amazonienne, pour la couche d’ozone, pour le partage, le civisme, la générosité, quand sous le manteau, sous la doublure, pour des histoires d’image de marque (c’est vraiment important), derrière des discours en bois du type : « Nous n’avons pas d’invendus. Nos produits sont de qualité et demandés, nous n’avons aucune raison de brader le travail de nos ateliers », on fait radicalement le contraire.
Si t’as pas de face, tu peux toujours postuler dans le luxe : il y aura toujours une place pour toi, visiblement. Tu peux aussi aller voir du côté du Château d’Yquem, qui n’hésite pas à faire disparaître un millésime jugé moins qualitatif.
Quant à moi, je vais retourner à mon anonymat de contribuable, en espérant que mes petits neveux et nièces ne me demandent jamais pourquoi on brûle de beaux vêtements neufs et pourquoi on fait tourner à vide des machines à laver neuves pour qu’elles le soient moins quand tu les achètes : car pour une fois, je ne saurai vraiment pas quoi leur dire. Et je n’oserai certainement plus les engueuler après parce qu’ils trient mal les ordures.
Alors ami lecteur et surtout lectrice, je te propose cette semaine, même si c’est hyper dur, de ne pas mettre d’alerte baisse de prix sur le sac de tes rêves, mais de t’intéresser à Pierre Rabhi, parce que sinon, en tout cas en ce qui me concerne, je ferai un ulcère en ouvrant mon tiroir où trônent 3 carrés Hermès.
Mais heureusement, les brûler n’est plus une option.
La vraie rébellion désormais, c’est de les porter à mon cou de pauvre de la middle class : à force, ils finiront bien par se déprécier, et redevenir ce qu’ils sont : des bouts de tissus.
Car c’est bien tout ce qu’ils méritent.
A la prochaine, ami lecteur, et cette semaine, pense à sauver ta face !
Que dire d’autre que tu es talentueuse mais ça nous le savons tous!?
On s’y croirait! Il y a du vécu derrière..